FLECHE
PARIS - LE MONT SAINT MICHEL 1998
Sous un beau ciel azur, d’un bleu absolu,
nous sommes 22 à piaffer d’impatience en ce jeudi 21
mai 1998, joyeux à l’idée d’entreprendre
cette randonnée vers le Mont Saint Michel avec une météo
favorable et clémente, cela nous change des précédentes
flèches, humides et venteuses (1).
 |
Autour du noyau des accros
de flèche, irréductibles de la randonnée
au long cours, nous nous félicitons de voir de nouvelles
têtes. Bienvenu à ces nouveaux, dont je m’empresse
de vous révéler l’identité : Michel
Lelièvre, Francis Longèpèe, Danièle
Jamet, Brahim Begdouche, Gilles Lemieux.
|
Souhaitons que cette première
flèche, soit pour eux le commencement d’une longue série.
Après l’incontournable photo de groupe, nous nous élançons,
cap à l’ouest.
Dès les premiers coups de pédales donnés, personne
n’en parle, mais je sais que pour tous à ce moment le
grand Jacques était avec nous, chevauchant à nos côtés,
nous accompagnant sur ce périple, comme il les affectionnait
tant. Chacun à sa façon à dû y penser,
et ces premières secondes furent un moment de communion, d’émotion,
de recueillement, où nous retrouvâmes le Grand.
Il est 7h30 et nous nous dirigeons vers Orgerus, où nous récupérerons
Martine. Comme d’habitude les conversations vont bon train,
les « anciens » rassurants les quelques nouveaux inquiets.
Boissy sans avoir, Martine est là, nous l’accueillons
chaleureusement et nous partons pour de bon. Le début de notre
odyssée est marquée par une cascade de 3 crevaisons
de l’ami Gilles Lemieux, qui commence à s’interroger
« à cette cadence là notre stock ne tiendra pas
jusqu'à l’arrivée ». La progression est
marquée par de nombreuses erreurs de parcours, malheureusement,
les navigateurs d’élite du VCMB ne sont pas avec nous
! ! !.
Egayé par les conversions, les langues travaillant autant que
les mollets, nous roulons tranquillement à 20/25km, quelques
petits incidents émaillent cette tranquille progression : chute
sans conséquence, à l’arrêt de notre nouvelle
recrue féminine, je veux parler de l’inégalaaaable
Danièle, chaleur de votre serviteur qui fait connaissance avec
l’herbe des bas côtés (le vélo de pompier,
comme le dit si bien Jean Yves, découvre la campagne). La bonne
humeur règne, une douce sérénité nous
envahie, nous sommes bien dans nos têtes et dans nos corps.
Mais voici que les premiers tracas apparaissent, l’ami Francis
Longèpèe commence à faiblir dangereusement, et
petit à petit il s’éteint comme la flamme d’une
bougie soufflée par une bourrasque de vent. Nous l’entourons,
l’encourageons, lui prodiguons conseils et astuces, et le protégeons
du vent Nous effectuons un premier arrêt réconfort au
Coudray. Malgré cette pose, en repartant aucune amélioration
sérieuse n’est à constater chez notre moribond.
Alors, aux grands maux, les grands remèdes. Et c’est
ici qu’interviennent l’épisode des pousseurs.
 |
NDWM : L'histoire
ne le dit pas mais la photo le montre : il y avait encore de
la ressource s'il y avait eu défaillance des pousseurs
!!!! |
Recette : vous choisissez un
poussé au bout du rouleau, bien étoffé, avec
de la viande sur l’os quoi !, vous retenez une demi-douzaine
de pousseurs aux jarrets d’airain et aux bras bien vigoureux,
avec un zeste d’adresse sur un engin à deux roues, vous
déposez l’ensemble sur des routes départementales,
une pointe de côte, et vous obtenez un poussé entrelardé
aux pousseurs.
Imaginez Francis (le poussé) avec un pousseur de chaque côté
le propulsant d’un bras, il y eu même une variante, où
chacun des pousseurs étaient assisté par des pousseurs
en second, à le beau moment de solidarité que nous avons
vécu, mais il n’était pas question de laisser
tomber l’ami Francis.
Pendant ce temps là, le
soleil cogne fortement, les crèmes solaires sont sorties, les
filles s’enduisent le corps, enfin les bras, les jambes, le
dos, le visage, et le nez. Notre corse de service, Jérôme
quant à lui utilise une crème aux colorations et à
l’aspect douteux, rappelant plus le guano que la protection
solaire, enfin peut être que cette crème possédait
des vertus insoupçonnées des railleurs qui se moquèrent
de son écran total. Bruno, lui préfère les essences
exotiques, et de ce fait donne dans le monoï. Après un
parcours se plissant de plus en plus, nous voici à l’Aigle,
et comble de malchance, le café où nous nous précipitons
pour effectuer le plein est tenu par des « pays » de Aldo
la classssse.
Pendant que certains ravitaillent en bière (des observations
très précises nous ont permis de déterminer que
la consommation moyenne est d’environ un demi pression par tranche
de 50 à 75 Km, selon l’individu), nos portugais de service
renouent avec leurs racines, évoquent les douceurs de la chère
patrie, et se risquent à échanger quelques mots en lusitaniens,
ah le vélo et le hasard des rencontres !
Les uns revigorés par une panse saturée de levure et
de houblon, les autres émus de s’être remémoré
la terre de leurs ancêtres, nous repartons pour notre étape
du soir, c’est à dire Argentan, précisons que
l’épisode des pousseurs est toujours au programme, que
nous atteignons sans encombres.
Chacun cède alors au rituel : installation dans les chambres,
déballage des sacs, sacoches et autres bagages, douches, massages
ou relaxation, habit propre, petit coup de fil à la famille.
Et les choses sérieuses commencent, et en place pour la houblon
party. Le lieu : le café en face de la gare, à côté
de l’hôtel des voyageurs (cela ne s’invente pas)
où nous dînerons ce soir, la matière première
: inutile de le préciser tout le monde l’aura identifiée,
aux consoles, et dans le rôle de disc jockey, euh pardon de
houblon jockey officient les irlandais, les seuls à posséder
leur licence 4 internationale. Dans ces rôles de meneurs, Jean
Marie, et Lefebure sont une tête au dessus des autres !
Dans l’euphorie générale, pour ne pas dire le
brouhaha qui règne sur la terrasse que nous avons annexée,
peut de personne remarque que le Fifi est chaussé de tong à
fleurs, ah coquetterie quand tu nous tiens ! Le poussé, ému
de la solidarité que le groupe lui a manifesté, y va
de sa tournée.
Les dernières traces de poussières du gosiers lavées
à grands demi, nous nous dirigeons pour prendre le repas, et
nous ravitailler en solide. Un repas parfait, élégance
de la table dressée, raffinement des décors, plats présentés
avec finesse, tout ceci baigné dans une chaude ambiance, merveilleux
moments qui rendent si attachant ces flèches. Les assiettes
nettoyées et les bouteilles vidées, nous regagnons nos
chambres, Bruno et moi partageons l’une d’entre elles.
Le lendemain au départ le ciel est un peu couvert, et l’air
est frais, et la tiédeur matinale refroidit quelque peu l’ambiance.
Le parcours s’apparente au toboggan meudonais, une version locale
de hauteurs et vallées, alternance de petites montées
et de descentes, avec des routes au revêtement rendant mal.
Francis est bien, il a récupéré, et il est même
souvent aux avants postes du groupe. Roulant de concert avec Fifi,
soudain nous sommes pris à partie par un chien qui, s’il
le pouvait se paierait un bifteck sur nos mollets , ah la belle décharge
d’adrénaline pour prendre le large !
Lentement mais sûrement nous progressons sans aucun faits importants,
notre procession étant émaillée des rituels arrêts
pour s’adonner au triptyque tampon, bidon, provision solide.
Le soleil aidant, les arrêts se multiplient et les drogués
au houblon se chargent allègrement. Voici que au loin nous
apercevons le Mont Saint Michel, il est là, tout proche, mais
les derniers kilomètres sont plus difficiles, à cause
de la présence des voitures (que nous avions presque fini par
oublier) et d’un vent contraire.
Enfin nous y sommes, les 2 derniers
kilomètres furent inoubliables, avec un vent très fort
et carrément de face. Nous cédons au rituel de la photo,
certains partent visiter le Mont Saint Michel, saturé de touriste
de toutes nationalités, les autres mettent le cap sur l’écurie,
au sens propre comme au figuré. C’est en effet un gîte
de groupe situé dans un haras, qui sera notre logis pour cette
deuxième soirée. Nos montures de métal côtoient
des montures de chair et de sang, mais tout le monde cohabite sans
problème. Précision indispensable, nous couchons dans
une chambrée unique, sommier contre sommier, une expérience
qui s’annonce déjà prometteuse, nous ne serons
pas déçu.
 |
Après
avoir dit au revoir à certains qui regagnent la région
parisienne, nous entamons notre dernier dîner en commun,
auparavant, les surfers de houblon se sont encore montrés
égaux à leur réputation. |
Nos organisateurs (Richard, Régis) ont bien fait les choses,
puisque nous commençons par un apéritif, et quelque
peu émus, nous levons nos verres et portons ce toast à
Jacques, qui depuis le départ nous accompagne par la pensée.
Après ce dîner arrosé comme il se doit, nous regagnons
notre douillette chambrée.
Avant l’extinction des feux il se passe déjà un
bon moment, les uns vont et viennent, d’autres s’affairent
autour de leur bagages, d’autres encore discutent, enfin quelques
uns essaient de dormir, une véritable ruche. Prudent, j’ai
prévu les boules quies, elles me seront bien utiles. Ca y est,
tout le monde est couché, les lumières sont éteintes,
normalement nous devrions dormir. Je m’endors sans problème,
mais je ne tarde pas à être réveillé par
de sourds vombrissements, que se passe t il ?
Et voici maintenant, le concert pour ronfleurs en ut majeur, perché
au premier étage d’un lit superposé, je découvre
sous moi, à mes pieds, l’orchestre, légèrement
sur ma droite, les contrebasses, Jean Marie et Daniel (Lefebure),
un duo impressionnant par le nombre d’octaves couverts, sur
ma gauche quelques clarinettes, et plus loin trompettes et timbales,
et enfin sur l’extrême droite un basson et quelques hautbois.
Malheureusement le volume sonore émis par nos deux barytons
du ronflement couvre presque totalement les soupirs, gazouillis, fredonnements
et autres murmures produits par le reste de l’orchestre. Le
concert dure, s’éternise, et nos deux virtuoses des graves
enchaînent duo en bémol, solo en si bémol, canon
en harmonie et parfois nous avions l’impression que le duo était
un quatuor, enfin, pour avoir bémol il y a bémol, car
presque toute la chambrée est réveillée, sauf
nos deux divas qui éternisent leur représentation lyrique.
Avec mes boules quies je réussis à m’endormir,
brisé par ce torrent acoustique, aux consonances si sourdes.
J’imagine le privilège de Christian, le mari de Danièle,
dont la couche jouxte celle de nos maîtres sonneurs, euh pardon,
ronfleurs. Au fait Christian tes tympans ont ils cicatrisés
?
Au réveil nos gaillards se portent bien, puis c’est toilette,
bagages, petit déjeuner, pour certains c’est l’heure
du retour, pour d’autres une visite matinale au Mont Saint Michel,
avant le retour sur Montigny, la tête pleines de souvenirs,
heureux et rassasiés.
Cyclos du VCMB tu me plais, toi qui privilégie l’amitié,
la camaraderie, la complicité, l’esprit d’entre
aide, toi qui prends autant de plaisir à pédaler dans
un cadre champêtre et bucolique, qu’à savourer
un bon repas, ou un sandwich arrosé d’un verre de blanc
ou d’un bière avec les copains.
En conclusion ce qui est réjouissant c’est de constater
que le groupe qui participe aux flèches s’accroît,
vivement l’année prochaine, et que tous ceux ou celles
qui sont tentés par ces expéditions, ou qui hésitent,
nous rejoignent pour découvrir ces joies simples mais réelles
et profondes que procurent le cyclo-tourisme.
Et
tout finit comdab !
Signé CRI-CRI
(1) NDWM : Voir les épisodes
"CRI-CRI en rando chez les poilus" et "CRI-CRI SHAKESPEARIEN"
à paraître prochainement.