Chronique d’une flèche comme les autres

LUCHON

DIAPORAMA

Comme chaque année, nous avons décidé de profiter des journées longues et ensoleillées du mois de juin pour faire une flèche. Cette année, nous avons choisi Paris-Luchon et nous avons décidé de profiter de notre arrivée dans les Pyrennées pour faire quelques cols et terminer notre parcours à Bayonne.

Nous partons à cinq cyclistes et, comme nous ne sommes pas bien courageux, mon épouse Françoise suit avec la voiture et les bagages, ce qui nous évite de devoir porter les sacoches.

Les participants de cette promenade sont : Patrice Lecquyer, Jean-Christophe Capitanio et Dominique Lauras, tous trois membres du glorieux VCMB. Ils sont accompagnés de Pierre Janvier et Jacques Germond qui, bien que non VCMBistes, sont d’éminents cyclistes. Pierre fait partie de l’équipe dirigeante de la Ligue d’Ile de France de cyclo-tourisme. Jacques est l’oncle de Patrice. Il est un habitué des courses pour vétérans, où il a gagné de nombreuses coupes. Au départ, nous craignons qu’il s’ennuie un peu à suivre notre rythme de fléchards.

Vendredi 4 juin : Voisins le Bretonneux - Nançay

Nous nous retrouvons pour le départ à 7h45 à Voisins. Miracle, tout le monde est à l’heure ! Les bagages sont confiés à Françoise. Jean-Christophe, jeune père de famille, est soutenu par sa femme et ses enfants venus admirer le papa cycliste.

Départ par les routes que nous connaissons tous pour arriver à la jolie vallée de Chalo Saint Mars, dernier coin de verdure avant d’attaquer la morne plaine de la Beauce.

La Beauce n’est pas propice au tourisme et nous roulons sans nous arrêter. Nous traversons Pussay, Angerville et Erceville et nous pouvons déjeuner à Aschères le Marché, après avoir parcouru près de 100 km. Ensuite, le paysage est plus agréable. Nous passons dans les forêts de la région d’Orléans et nous traversons la Loire à Jargeau. Nous pouvons attaquer la Sologne.

La Beauce et la Sologne ne sont pas des régions trop accidentées et le rythme est rapide. Nous sommes très en avance par rapport au tableau de marche que j’avais établi sur la base de 22 km/h de moyenne. Pour ne pas arriver trop tôt au terme de l’étape, nous nous arrêtons donc un bon moment à Souesmes pour faire pointer les cartes et pour boire quelques bières.

Il ne nous reste plus que quelques kilomètres pour atteindre Nançay. Nous passons devant le radio-télescope et, au terme d’un parcours de 190 kms, nous atteignons la chambre d’hôtes qui nous attend. Comme nous avons une heure d’avance, Françoise n’est pas encore arrivée avec la voiture. Sans affaires de rechange, impossible de prendre les douches et nous attendons sur la pelouse en échangeant nos méthodes pour faire des étirements.

La chambre d’hôtes est tenue par une célibataire qui nous fait comprendre que nous ne sommes pas son type de client habituel. Elle reçoit beaucoup de messieurs qui achètent des journées de chasse en Sologne, quelque fois pour plus de 4000 francs la journée. Elle est donc habituée à des clients possédant de grosses voitures plutôt que des petites bicyclettes.

Au dîner, elle a sorti ses couverts en argent. Patrice demande que ses couverts soient changés car l’argent lui fait de l’électricité dans la bouche. La dame va chercher des couverts de cuisine en soupirant.

Samedi 5 juin : Nançay –Dun le Palestel

La nuit a été difficile car nous étions juste à côté de l’église dont le clocher sonne tous les quarts d’heure. Les prévoyants ont sorti leurs boules Quies. Les autres ont eu un sommeil agité.

Après un petit-déjeuner copieux, c’est la cérémonie de la préparation des bidons. Chacun y met des poudres mystérieuses en affirmant que cela ne contient que du glucose et des vitamines (dis tonton, pourquoi tu tousses ?). Nous remontons sur nos vélos à 8h30 et nous terminons rapidement la traversée de la Sologne. Ensuite, lesroutes sont plus variées. Nous suivons de petites départementales sur lesquelles les voitures sont rares.

Nous nous arrêtons à Mehun sur Yèvre pour aller voir les ruines du château. Il y a encore peu de côtes et nous arrivons à La Châtre en début d’après-midi.

Pour faire pointer nos cartes à cette heure, il n’y a que les bistrots d’ouverts et nous sommes dans l’obligation de prendre une nouvelle bière. Elle est la bienvenue par une température qui commence à être très élevée.

Après la Châtre la route commence à présenter du relief et nous traversons plusieurs vallées suivies de montées à plus de 300 m d’altitude, dans la région d’Aigurande.

Après 150 km, nous atteignons Dun le Palestel, où nous passons la seule nuit en hôtel prévue avant Luchon.

Dimanche 6 juin : Dun le Palestel - Pompadour

Départ agité. Après quelques kilomètres Patrice s’aperçoit qu’il a oublié, dans sa chambre d’hôtel, la pommade Nok dont il s’enduit généreusement le postérieur tous les jours. Nous sommes dimanche, les pharmacies sont fermées. Que faire ? Retourner à l’hôtel ? Les autres ne sont pas d’accord. Appeler le Samu pour sauver son derrière en péril ? Il n’est pas certain qu’ils accordent au problème tous l’importance qu’il mérite. Heureusement, nous sommes, exceptionnellement, dans une zone ou les téléphones portables passent et Françoise n’a pas encore quitté l’hôtel. Elle est donc chargée de reprendre la clé de la chambre et de retrouver la précieuse pommade. Ouf ! Sauvés !

Cette fois nous sommes dans le Massif Central, plus question de s’endormir sur des routes plates. Nous passons notre temps à monter pour redescendre aussitôt. Nous n’atteignons jamais des altitudes élevées (quelques passages tout de même à près de 500m d’altitude) mais c’est le type d’étape casse-pattes qui finit par fatiguer l’organisme.

Nous n’allons plus aussi vite, d’autant plus que Jean-Christophe a quelques problèmes digestifs, peut-être dus à la chaleur, qui l’amènent à s’arrêter à chaque fois qu’il aperçoit un bosquet au bord de la route.

Nous déjeunons dans un petit village, puis nous faisons pointer nos cartes à Saint Léonard de Noblat, avec une pensée émue pour Poulidor.

Après 130 kms, nous atteignons Pompadour où nous buvons un verre devant le château, en admirant les cavaliers qui font une compétition sur le beau parcours voisin.

Nous prenons ensuite une petite route pour rejoindre la ferme de la Brunie qui sera notre chambre d’hôtes pour la nuit. Il s’agit d’une ferme d’élevage de chevaux. Nous y sommes très bien accueillis et la propriétaire nous propose, dès notre arrivée, de faire un lavage de toutes nos affaires. Ce que nous nous empressons d’accepter. Le séchage ne pose aucun problème, compte tenu de la température. Nous passons une nuit très calme, loin de tous les bruits habituels dans les villes.

Lundi 7 juin : Pompadour – Salviac

L’étape est du même type que la précédente : assez peu de plat et un grand nombre de montées suivies aussitôt de descentes.

Nous avons pris notre rythme de croisière.

Jacques caracole devant, souvent avec quelques kilomètres d’avance sur nous et nous le retrouvons, nous attendant à une terrasse, en train de déguster un café.

Patrice avale les côtes en danseuse, puis nous attend.

Pierre garde une cadence uniforme. Il ne quitte jamais sa selle, ne semble pas s’apercevoir que la route monte ou descend, et mouline toujours à la même cadence incroyable. Il a prévu les développements compatibles avec ce rythme et ira jusqu’à mettre 28 à l’avant et 30 à l’arrière dans les passages les plus raides des cols. Il est vrai qu’il utilise un vrai vélo de randonnée qui doit peser près de 10 kg de plus que les nôtres. Jean-Christophe, étonné par la régularité du rythme de Pierre et par son apparente insensibilité aux côtes et au vent, le surnomme « l’androïde » et multipliera les plaisanteries sur ce thème pendant le reste du parcours.

Jean-Christophe commence à se remettre de ses ennuis digestifs et à quitter l’arrière du groupe. Quant à moi, j’apprécie assez peu les efforts en côte et je suis toujours derrière le plus lent.

Françoise nous rejoint pour les déjeuners-pique niques et pour la plupart des arrêts bistrots.

Cette étape ne fait qu’environ 130 kms, ce qui m’a paru suffisant compte tenu du relief.

Nous nous arrêtons à Sarlat pour le contrôle. Nous prenons plaisir à parcourir les rues piétonnières entourées de vieilles maisons pittoresques. Nous ne sommes qu’en juin, mais la ville est déjà encombrée de touristes et Françoise a bien du mal à garer la voiture pour nous rejoindre dans la rue piétonnière où nous buvons une bière, avec l’alibi de faire tamponner la carte.

Nous traversons ensuite la très belle vallée de la Dordogne, à côté de La Roque Gageac et nous arrivons à Salviac, où nous prenons une nouvelle bière de peur que la chambre d’hôtes ne soit au régime sec.

Nous partons ensuite à la recherche de cette chambre d’hôte. L’hôtesse avait dit que c’était en haut d’une côte. Nous prenons une petite route défoncée et nous découvrons un véritable col avec des passages dignes de la Madeleine. Mais, arrivés en haut, nous avons la récompense d’une vue s’étendant sur des dizaines de kilomètres de Massif Central. Nous faisons un très bon dîner sur la terrasse au bord de la piscine. Quelle belle étape !

Au dîner, nous partageons la table avec les hôtes et un couple d’anglais. La femme est vraiment très « british ». Elle nous explique qu’elle apprécierait de faire la grasse matinée, mais que son mari est un lève-tôt, Patrice entreprend alors de lui expliquer que les femmes peuvent utiliser des arguments qui permettent de garder les maris au lit. Elle comprend manifestement le français mieux que nous ne le pensions car elle roule des yeux effarés et pique un magnifique fard.

Nous gagnons ensuite nos chambres et là, c’est le drame. Jacques déclare qu’il refuse d’entendre plus longtemps les ronflements de Patrice. Je suis appelé à la rescousse pour témoigner que j’ai partagé sa chambre, sans problème, pendant la flèche Paris-Cherbourg. Nous croyons que Jacques plaisante, mais il n’en démord pas. Il prend son lit et le sort sur la terrasse où il passera la nuit en plein air.

Mardi 8 juin : Salviac – Lavit de Lomagne

Etape assez facile. Nous ne faisons que 130 km et le relief n’est pas trop violent car nous suivons plusieurs vallées, au lieu de les traverser perpendiculairement. Nous traversons le Lot à Luzech et nous déjeunons sur la place du joli village de Montcuq.

Ensuite, nous traversons Moissac en nous faufilant dans un embouteillage monstre où nous apercevons Françoise engluée. Nous traversons la Garonne et arrivons rapidement au contrôle-bistrot de Saint Nicolas de la Grave.


Nous arrivons ensuite sans trop d’efforts à Lavit de Lomagne. Il nous faut encore parcourir quelques kilomètres pour trouver la ferme de Floris qui doit nous accueillir pour la nuit.

Patrice a téléphoné à toutes les chambres d’hôtes et hôtels pour demander à avoir une chambre où il sera seul, de façon à ne pas subir les reproches de Jacques pour ses ronflements. Pour ce soir, impossible de lui trouver une chambre, mais il y a un lit d’appoint dans la chambre que je partage avec Françoise. Nous l’accueillons pour la nuit et … nous n’entendons pas le moindre ronflement.


Mercredi 9 juin : Lavit de Lomagne - Labroquère

J’avais prévu une étape un peu longue car je pensais que, sortis du Massif Central, les routes seraient très plates. En fait l’étape se révèle difficile. Il fait très chaud. Je me suis trompé dans le kilométrage. Nous nous égarons un peu sur la route et le relief est toujours assez marqué.

Finalement, nous faisons près de 150 kms, dans des conditions assez éprouvantes. Mais nous sommes récompensés, car après un arrêt à Saint Gaudens pour le contrôle, nous découvrons, non sans mal, à Labroquère un très beau petit château datant de 1350, donnant directement sur la Garonne.

Nous avons des chambres magnifiques. Celle de Jacques doit faire 15 mètres de long et il peut choisir entre deux lits à baldaquin. Nous sommes bercés par le seul bruit de la Garonne qui à cet endroit ressemble à un torrent.

Jeudi 10 juin : Labroquère – Bagnères de Luchon (fin de la flèche)

Puis Arreau et Ancizan par le col de Peyresourde.

De Labroquère à Luchon, la route est assez roulante et nous faisons mettre le tampon final à notre flèche à la gare de Luchon, en fin de matinée. Comme il fait très chaud tout le monde décide de ne pas attendre pour attaquer le col de Peyresourde.

Même si le col de Peyresourde n’est pas un des grands, il n’est pas facile et monte à 1569 mètres. Il n’y a pas un souffle de vent et la chaleur accablante. J’ai du mal à avaler le col et j’arrive au sommet 45 minutes après les premiers qui ont déjà fini de déguster une très bonne omelette. Je décide alors de faire les cols suivants dans la voiture climatisée, ce qui est nettement plus facile et évite de retarder les autres.

Nous redescendons sur Arreau et allons jusqu’à Ancizan où nous arrivons à l’hôtel juste avant que les orages n’éclatent.

Vendredi 11 juin : Ancizan – Argelès Gazost

Nous partons tôt pour éviter les orages annoncés pour l’après-midi.

Le col d’Aspin est très joli. De nombreux troupeaux de vaches et moutons y évoluent en liberté. Ils considèrent que la route leur appartient et qu’il n’y a aucune raison de se déplacer. Les vélos les évitent assez facilement. Pour la voiture, il faut négocier avec eux.

Les orages de la veille ont fait baisser la température. Jean-Christophe, qui avait très peu de kilomètres au départ, commence à être un peu plus entraîné et arrive premier au sommet. Patrice est dans un jour de forme et arrive ensuite en ayant le plaisir de laisser Jacques quelques virages plus bas. Ensuite, c’est la descente sur Sainte Marie de Campan, et l’attaque du Tourmalet. Jean-Christophe récidive et arrive en tête avec Jacques en haut du col.

Le Tourmalet n’est pas jugé trop difficile par les participants. Peut-être parce que la température est fraîche car il y a tout de même deux kilomètres à plus de 10 % de pente et la traversée de La Mongie comporte deux virages très raides.

Samedi 12 juin : Argelès Gazost – Oloron Sainte Marie

Nous montons le Soulor dans un très joli paysage, mais le temps est bouché et il faut traverser de nombreux nuages, ce qui limite les perspectives. Les moutons vivent en liberté sur la route.


L’Aubisque s’attaque dans la foulée. Cette fois, le temps est tellement bouché que nous apercevons tout juste le bord de la route. Les cyclistes n’ont peut-être pas vu la pente dans le brouillard car ils décident que le col est facile. Il est vrai que nous l’avons attaqué par le côté est qui est le moins raide.

Nous arrivons à l’étape à Oloron Sainte Marie où nous cherchons un vélociste pour redresser les roues de Patrice qui se sont voilées pendant la journée. Nous avons ensuite le temps de faire une grande promenade dans cette jolie ville.

Dimanche 13 juin : Oloron Sainte Marie – Saint Jean Pied de Port

Cette étape emprunte une partie de la route de l’étape du Tour de France 2003 que Patrice avait déjà faite l’année dernière.

Après une cinquantaine de kilomètres, nous attaquons la montée de Larrau qui n’est pas une difficulté négligeable (2,5 kms à 10% de moyenne), mais elle est surtout suivie du col de Bagargui que tout le monde s’accorde pour trouver le plus dur des cols pyrennéens. Il ne monte qu’à 1300 mètres, mais il comporte plusieurs kilomètres « à deux chiffres » (11 ou 12% de moyenne) et quelques passages à plus de 15 %. Dur ! Dur !

Après, la descente sur Saint Jean Pied de port, même si elle passe par le col de Burdincurutchéta, paraît une simple formalité. Nous nous arrêtons un moment dans cette ville très touristique pour admirer les fortifications de Vauban et les vieilles rues étroites. Heureusement nous passons la nuit, à quelques kilomètres de là, dans le village très calme de Saint Michel, dans un charmant hôtel typiquement basque (l’hôtel Xoko Goxoa, ce qui veut dire « coin tranquille ») où nous mangeons fort bien.

Lundi 14 juin : Saint Jean Pied de Port – Bayonne.

J’avais promis de terminer par une journée facile, mais j’ai un peu sous-évalué les difficultés. Nous faisons une incursion en Espagne en passant par le col d’Ispéguy. La petite route est charmante, le col n’est pas très élevé (650 m) mais il s’avère assez raide et Patrice qui est dans un jour de méforme a du mal à avaler cette dernière difficulté.

Nous faisons un excellent déjeuner dans un restaurant d’Ainhoa et nous continuons par Espelette et Cambo les Bains, pour retrouver la route des cimes qui mène à Bayonne. Cette route comporte une suite de montées et de descente qui achève de casser les pattes des cyclistes.

Nous arrivons enfin, vers 15 h à la gare de Bayonne.

Je monte les vélos de Jean-Christophe et Pierre sur ma voiture, tandis que Patrice et Jacques prennent une voiture de location pour retourner à Voisins.

Conclusion

Voilà notre périple terminé. Nous avons parcourus 1308 kms et avons accumulé 15515 m de dénivelé et je ne parle pas du nombre de bières et de bouteilles de vin descendues.

La flèche Paris –Luchon nous a parue moins jolie que celle de l’année dernière (Paris – Marseille) qui nous avait emmené dans les gorges de l’Allier et de l’Ardèche, mais nous ne regrettons pas de l’avoir faite. La route des cols a ensuite été très belle.

Le groupe a plébiscité les chambres d’hôtes, les trouvant plus calmes, plus confortables et plus conviviales que les hôtels. Mais il n’est pas toujours évident d’en trouver avec les contraintes posées par des cyclistes qui veulent pouvoir dîner sur place et qui ne veulent pas coucher dans le même lit.

Nous avons passé une douzaine de jour dans une ambiance décontractée. Le groupe était sympathique et l’entente était bonne. Il y avait même des soirées de franche rigolade. Nous avons engrangé de bons souvenirs pour les longues soirées d’hiver. A quand la prochaine flèche ?

Dominique Lauras