TORTILLAS Y BANANAS AND PASTAS |
“Doublé” MGM + LEL” 2005 - Richard LEON
En cette année 2005, j'avais depuis 4 ans le projet de refaire Londres-Edinbourg-Londres , que j'aime au moins autant que PBP et puis les espagnols ont décidé d'organiser eux aussi un 1200 mais juste avant LEL et si près que pour faire le doublé, il fallait viser un temps sur Madrid-Gijon-Madrid de moins de 72h avec arrivée le jeudi soir, suivi d'une bonne nuit réparatrice, d'un transfert vers Londres en avion le vendredi avec plusieurs transports de banlieue pour prendre le départ le samedi matin à 8h … .
Mais à 50 ans, l'occasion d'un truc un peu spécial était trop belle !
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Arrivée à Madrid
Après une dernière sortie le jeudi matin 14 juillet avec le Glandon par les deux côtés, je passe saluer mes parents à Angers le vendredi. Je suis hébergé le samedi par l'ami Alain Collongues à Bourg la Reine qui me conduit à Roissy le dimanche matin
Bagage réduit au maximum : housse vélo et sac à dos 35L.
Arrivée à Madrid Barajas en début d'après-midi, il fait chaud mais supportable; le chauffeur de taxi hurle en voyant la housse contenant mon vélo. Ce n'est pas la taille des taxis de Boston mais quand même sur la banquette arrière, ça loge sans problème, je plains les tandémistes arrivant à Bajaras !… . Montant de la course : 45€ (tarifs de dimanche ?), au retour j'en paierais 30, de nos jours l'avion est moins cher que le taxi.
Meilleur accueil à l'hôtel Asador d'Algete à 25km au nord-est de Madrid. La chambre est réservée par les amis Toulousains de Castanet qui seuls ont valorisé ce MGM en France; la maîtrise de l'espagnol par Philippe Demany a résolu bien des difficultés.
Je procède au remontage du vélo dans la chambre climatisée en écoutant la télé espagnole commenter le Tour de France et me rend en vélo au stade Polideportivo à la sortie de la ville où s'effectue le contrôle des machines. Ça me permet de prendre la température et de me féliciter du départ le lendemain à … 22h. Je retrouve les français, de Castanet principalement (Philippe, François, Joseph et Guy) mais aussi Alain de Bordeaux et Jacky de Lyon; ils ont fait les brevets ensemble à Castanet, moi-même j'ai fait le 400 avec François et le Défi des Fondus de l'Ubaye avec François, Philippe et Joseph. Tous sont des randonneurs solides et qui en ont vu d'autres, mais certains ont eu des blessures récentes. Au stade je retrouve le danois Jan Christensen qui comme moi vise le doublé, voire enchaîner en août sur le 1200 scandinave et celui du Colorado en septembre, et puis j'ai le grand plaisir de revoir Nunziato Pelligrini, italien rencontré sur LEL2001( clickici pour le rapportage de l'époque); Nunziato a 70 ans et a commencé la compétition à 60 ans, il vit dans les Abruzzes et est un champion des grimpées. Je constate que j'arrive en Espagne avec la « pancarte » de celui qui a fait le meilleur temps sur LEL 2001. Retour à l'hôtel où l'on se rafraîchit au « Vichy catalan » et à la « cerveza » légère avant de dîner.
MGM – attente du départ
Je passe une bonne nuit et me force à rester tranquille allongé sur le lit toute la matinée, puis à midi il faut libérer la chambre, repos au stade près de la piscine dont profitent abondamment François et Guy (je n'ai pas pensé au maillot dans mon bagage).
A 14h, excellent repas de pâtes au marocain du coin puis à nouveau repos au stade sur l'aire de camping.
A 19h, Guy me conduit à l'hôtel pour me changer et y laisser les dernières affaires civiles. J'ai revêtu le maillot de la MGM qui est bleu-blanc et rouge … .
Re-pâtes à 20h au restaurant du stade et attente du départ.
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MGM – 1 ère partie : 400km avec Jan
Nous sommes 124 partants, principalement espagnols, peut-être 20 étrangers. Je suis de la première vague de départ à 22h avec Jan, et les autres français.
Le départ est donné en présence de Robert et Suzanne Lepertel, la nuit est presque tombée et l'atmosphère est magique.
Un groupe part vite, nous restons intercalés devant le gros de la troupe (une trentaine) qui va vraiment lentement – nous arrêtons 10' pour aider Jan qui a des ennuis avec son support d'éclairage puis revenons sur le peloton et le groupe de tête mais François et Guy ont lâché.
Pourquoi a-t-il fallu que je suive Jan !
Le froid nous surprend, j'avais l'expérience de l'Espagne en vélo mais assez peu de nuit, au contrôle d'Atienza (km107) Jan qui n'a pas de jambières, a froid.
Sur l'étape vers Ayllon, je sens que ça va trop vite pour moi, je peine dans les bosses et constate que Nunziato à 70 ans grimpe beaucoup mieux, bref je gamberge. Nous sommes montés à 1406m et dans la longue descente mal revêtue je renonce à suivre les plus rapides, trop peur d'un trou ou autre mauvaise surprise. Au contrôle d'Ayllon (km163) je ne me sens pas très bien, et avec cela je ne vois rien à manger qui me tente. Jan lui va bien, il me tend un plat d'omelette avec du pain que j'arrive quand même à avaler avec un peu de café.
On repart tous les deux avec 400m de retard sur un groupe. Jan mène la chasse et j'ai du mal à suivre alors je lui dis de filer mais il préfère m'attendre, hélas pour moi. Comme je vais vraiment lentement, il finit par partir devant mais se trompe et je le retrouve un peu plus loin. Il fait jour.
On arrive ensemble à Tortoles de Esgueva (km243) où le contrôle est dans un ensemble religieux très ancien.
Je n'ai pas retrouvé l'appétit et préfère prendre le soleil dehors ; 30' après, Guy et François arrivent et on attend encore 30' pour repartir ensemble ; pas longtemps car ils n'ont manifestement pas envie de se faire mal à rouler avec Jan et je vais continuer moi à rouler un peu trop vite à mon goût jusqu'à Fromista (km319).
On en repart sans s'arrêter au restaurant. De Fromista, le chemin de St Jacques borde la route et des pèlerins s'y trouvent en nombre, espacés de quelques centaines de mètres; je n'envie pas leur chemin poussiéreux par cette chaleur.
Je suis à très peu de chose près sur l'horaire de mon tableau de marche, qui était trop ambitieux vu le dénivelé.
La route est très facile à trouver, d'ailleurs si pour LEL on a 4 pages recto-verso de road-sheet, là sur MGM, 1 seule page recto-verso suffit !
On rejoint un groupe qu'une voiture suiveuse filme ; j'espérais y prendre un peu de repos, mais Jan le double et on poursuit de plus belle avec un grand escogriffe qui s'est échappé du peloton et qui écrase les pédales.
A partir de Sahagun, on est sur la partie que je trouve la plus pénible, assez plate mais très chaude, sans la moindre ombre, sur un bitume noir, et dont il faut s'écarter par des déviations pour cause de travaux. Alors cette fois je fais comprendre à Jan que si je continue avec lui à son rythme, je ne finirais pas MGM et que je vais me reposer.
A ce moment là, je ne pense plus du tout possible de faire LEL, et doute même de ma capacité à finir MGM.
MGM – 2 ème partie : 700 km seul
Il file et je reste seul cherchant un point d'eau pour refroidir la machine. J 'explore un village en vain ; j'essaie ensuite de m'approcher des champs irrigués mais des clôtures ou des fossés les protègent. Je trouve enfin une sorte de maison asso ciative qui m'ouvre la porte des toilettes avec un lavabo.
Plus loin, je rejoins un groupe de quatre qu'une voiture accompagne ; tous les km ( !), elle s'arrête et le conducteur leur tend un qui un bidon, qui un fruit … ; ils m'auraient proposé une de leurs poires, je crois que j'aurais succombé mais heureusement ils ne l'ont pas fait ! Freinés sans doute par leur assistance rapprochée, je finis par les devancer avant Cistierna (km 439) où j'arrive visage fermé, démoralisé par cette étape, à ce contrôle se trouve mon sac de ravitaillement ; Jan y est encore, surpris de me voir. Je me douche, et avale un sandwich à l'omelette, le tout en 10- 15' . J'avais prévu 1h d'arrêt en cas de chaleur.
Je commence à prendre de l'avance sur le tableau de route.
Je repars seul sans doute même avant Jan et commence à remonter vers Riano en suivant le Rio Elsa, frais et torrentueux ; ça ne monte pas beaucoup mais le vent est de face et de plus en plus fort en approchant de Riano. La route devient un vaste toboggan ouvert à tous les vents et le vent de face devient franchement violent en montant le Puerto del Ponton (1280m).
Derrière, j'aperçois un moment 3 cyclistes qui reviennent ; ils me passent dans la descente alors que je suis en arrêt au « supermercado » d'un village, l'épicière prend son temps à servir des marcheurs et je m'impatiente avec mes bananes en main. Je retrouve les 3 arrêtés à contempler les gorges du Desfiladero de los Bayos, Nunziato est du groupe.
Le temps se gâte et j'appréhende une pluie froide qui heureusement de vient pas.
Les 3 me doublent à nouveau, Nunziato me fait signe de suivre mais je préfère continuer à ma main, lentement mais longtemps.
A Cangas de Onis (km538) j'arrive bien fatigué, je me douche, mange un peu ; il est 21h30 et m'apprête à repartir quand au dernier moment je change d'avis et me décide à y rester dormir un peu bien qu'il ne fasse pas encore nuit. Le tapis de sol n'est pas mauvais mais sans couverture, j'ai froid et il y du bruit. Quand je repars seul à 0h45, après avoir quand même un peu dormi, 15 à 20 vélos y sont arrêtés. Un contrôleur qui rentre chez lui à moto me guide vers la sortie de la ville, sympa. La température est pour une fois idéale pour rouler, et je me sens bien.
A la fin de la longue côte avant Gijon, 4 cyclistes avec frontale me croisent. Je pense alors que Jan et Nunziato peuvent en être. Je descends sur Gijon ; la mer est proche, je l'entends, puis la sent et enfin seulement la voit, ces odeurs d'océan, ce bruit des vagues dans la nuit, cette fraîcheur marine après les plaines et montagnes torrides, c'est mon souvenir le plus fort de ce MGM.
Les 3 contrôleurs du pointage secret de bord de mer, m'accueillent chaleureusement et me remettent un petit souvenir. J'ai ensuite quelques problèmes à trouver le contrôle en retraversant la ville. Un fléchage trop espacé sur une très longue rue me fait croire à une erreur et après l'avoir arpenté 3 ou 4 fois dans les 2 sens, je demande mon chemin avec succès à un taxi (il est 5h, Gijon s'éveille et je n'ai pas sommeil… ).
Enervé par cette perte de temps, j'arrive de méchante humeur au contrôle et c'est idiot de ma part car l'accueil y est très gentil, je me calme, y mange de façon idéale (salade de pâtes froides avec crudités, jambon cuit et chaud avec frites, fruits), le tout servi en quelques minutes, jamais vu cela, le rêve ! C'est sûrement là qu'il aurait fallu dormir si j'avais pu.
Je repars. Les 4 premiers doivent avoir 3h d'avance malgré mon arrêt court et je ne songe pas une seconde à les revoir.
En retournant vers Cangas, je croise un gars qui doit avoir 3 ou 4h de retard sur moi, puis François et Guy à 4h30 environ. A nouveau je goûte l'accueil très chaleureux du contrôle de Cangas. Il y a des endroits où on se sent immédiatement bien ; j'avais éprouvé cela à Cangas une première fois en allant vers St Jacques de Compostelle par la cordillère cantabrique, en 95. Les 4 sont arrivés 2h avant moi mais ne sont repartis que 1h avant mon départ … . J'ai 1h15 de retard sur eux quand je repars.
Je fais une montée très agréable du col de Ponton, le temps est clair, en 3h, je fais les 45km pour arriver en haut avec un nouvel arrêt au supermercado pour avaler un gros morceau de fromage, la fringale me guettait.
J'ai encore le vent mauvais en allant vers Riano et me sent frustré d'une descente que je n'aurais pas : le vent annulant l'effet de la faible pente.
A Cistierna (km 795), je me redouche, lave le cuissard que je veux garder. La remontée de Cistierna va être dure et chaude, je m'y prépare : je prend un sandwich à l'omelette dont j'élimine une des 2 tranches de pain, en mange la moitié et met l'autre (enveloppée) dans une poche du maillot.
J'attaque la montée en danseuse souvent pour épargner l'humidité à ma Brooks.
L'étape est encore une fois la plus pénible de toutes dans ce sens là aussi, avec 3 déviations au lieu de 2 à l'aller.
Près de Cea (j'allais écrire CEA !) une voiture s'approche de moi, contrôle secret ? Non c'est Suzanne et Robert qui vont vers Fromista, ils s'enquièrent de mon état, je leur dis que c'est un peu chaud mais que ça va et je me surprend à ajouter que normalement dans 2 ou 3 contrôles je suis revenu sur les premiers. Pas surpris par cette déclaration, Robert approuve et me dit qu'on va se retrouver à Fromista.
Je dois m'arrêter pour « refroidir le moteur », boire un coca glacé et passer aux toilettes : une station service même modeste permet tout cela en 5' .
A Fromista, je trouve Luis Garcia, une vieille connaissance de PBPs et autres réjouissances de même nature en compagnie des Lepertel.
Dommage Luis de ne pas être de la fête pour ce premier 1200 dans ton pays. Il n'y a pas de douche alors je me lave au lavabo et pars comme à l'aller sans arrêter au restaurant, attention à la fringale, je mange très peu sur ce MGM.
Devant, ils doivent être à 45' .
La température ne veut pas baisser bien que le jour tombe, et tant qu'on n'a pas viré un peu à droite vers le plein sud, le vent reste mauvais.
Au dessus d'Astudillo, la lune, pleine, se lève, un berger mène son troupeau sur les hauteurs, c'est superbe.
Le coup de pompe, je vais l'avoir un peu après sur les 15 km de ligne droite ( !) avant Tortoles, Je regarde les phares apparaître à l'horizon et compte le temps que met le véhicule à me croiser, puis on multiplie par 4 et on se dit qu'on n'est pas prêt de rompre la monotonie de cette route par un petit virage, ou une descente … .
A Tortoles de Esgueva (km 990), on est aux petits soins pour moi : je ne veux pas me doucher, qu'à cela ne tienne : on me tend une crème nettoyante et une belle de serviette de toilette neuve dans son emballage ( !). Je me restaure sérieusement cette fois. Les 4 sont partis 10' seulement avant mon arrivée, ce que j'avais dit à Robert se réalise. J'avais deviné que l'un des 4 au moins devait être très fatigué, qu'ils n'ont manifestement pas l'expérience de la très longue distance et que ce sont des coursiers costauds mais sans doute pas assez économes de leurs forces.
Mais moi aussi je trouve la route vers Ayllon un peu longue : les arbres qui bordent la route prennent des formes étranges ; je crois vraiment voir avancer parallèlement à moi, un méhariste sur un dromadaire et d'autres animaux !!. On est alors entre rêve et réalité, sans doute un peu drogué par les endomorphines secrétées naturellement.
A Ayllon je crois comprendre que mes 4 lascars sont partis il y a peu et qu'ils ont dormi 30' . Ça m'étonne un peu mais comme moi-même j'ai faibli : pourquoi pas.
Je pars rapidement et une voiture me suit pour aborder la longue montée de 25km ; je n'aime pas être suivi mais au moins ça me permet de mieux choisir où faire passer mes roues sur cette route en mauvais état ; je monte bien, souple, obligé, on me regarde ! La voiture me laisse à mi-pente quand le revêtement devient meilleur, c'était donc bien cela: un grand merci ! Alors que je suis arrêté en haut pour mettre jambières et goretex, les 4 cyclistes me passent : en fait ils étaient encore arrêtés dormir à Ayllon !! Ai-je écourté leur pause? Je m'amuse en pensant à Terront passant Jiel-Laval arrêté sur le 1 er PBP. J'ai bien failli involontairement rejouer le même tour !
MGM – 3 ème partie : les 100 kms avec les 4 espagnols
Les 4 ralentissent pour m'attendre un peu loin et regarder de quoi j'ai l'air. Ils doivent être un peu surpris de mon équipement randonneur, et me demandent d'où je viens. Seul un des 4 est encore costaud, d'autant qu'ils ont monté les 25km bien vite pour me rejoindre.
Je roule facile avec eux jusqu'à Atienza, discutant devant avec le gars de Huesca qui est l'organisateur de la cyclosportive la Quehuantabresos (il a fait 7h10 à la Marmotte !). Peu à peu on accélère et ça devient difficile avec la chaleur et les bosses. On s'arrête à une fontaine prendre de l'eau. 2 des espagnols s'amusent à se tirer la bourre dans les bosses. Je roule régulier en moulinant et me sens vraiment costaud aussi.
A 11h35 on est au Polideportivo d'Algete, soit 61h35 pour 1170km (à confirmer).
Je rentre aussitôt à l'hôtel pour y dormir de 12h30 à 14h, puis je prépare tranquillement mes affaires et le paquetage du vélo. La télé annonce de nouveaux attentats à Londres : ça promet pour demain.
Je pars faire quelques emplettes pour grignoter avec les copains (raisins et cacahuètes) et dans les transports de demain (eau gazeuse, jus de fruits, gâteaux secs)
Le panneau de la place indique : 18h39 et 46° !!
Je dîne avec ceux des français qui hélas ont du abandonner ; on annonce déjà 35% d'abandons sur MGM et ce n'est pas fini.
A 23h je quitte mes amis un peu soudainement, mais il est temps d'aller dormir.
Vendredi 22 juillet : Madrid – Londres, une “journée de repos” épuisante
Au réveil à 6h je me sens bien. Mon pouls est comme avant MGM à 60 ce qui me surprend énormément.
Impasse sur le petit déjeuner; on va au Polideportivo où sont arrivés François et Alain. Les français vont visiter Madrid, moi à 11h je prends un taxi vers l'aéroport
Retard de l'avion, une heure de décalage horaire, 2h de retard des bus à Heathrow pour cause d'embouteillage monstre sur la M25 suite à accident ; bref, à 21h30, je débarque sur le quai de la gare de Cheshunt. Très fatigué, je pars dans la mauvaise direction et croise un cyclo : c'est Michael Gavrilov de Russie (Michael ne paye pas de mine mais est Docteur en physique et Chairman de multiples instances internationales en astronomie !) qui se relaxe et m'indique le bon chemin. Puis je retrouve Alain et Noël, ainsi qu'Ivo Miesen
Ordre et méthode pour faire tout vite malgré la fatigue : se faire enregistrer pour la chambre et pour la remise des documents de départ (carnet de route, plaque, mais aussi sac pour le « bag drop » d'Hovingham).
Trop tard pour dîner et l'important est de préparer le vélo et les affaires à emmener : je déballe tout dans le rez de chaussée du pavillon où je suis sensé avoir un lit (chambre 105), vérifie qu'un lit est libre (les gars y sont déjà couchés) et me met au travail : il y en a partout sur le sol. Iil faut monter les garde-boue. Un italien de Turin prépare aussi ses affaires et me trouve gentiment une pompe « sérieuse ».
Je me mets à saigner abondamment du nez (la fatigue) ce qui complique encore plus les opérations.
Il est 23h30 quand tout est presque prêt, le reste attendra le matin et je monte me coucher : je monte l'échelle du lit superposé supposé libre et y trouve déjà quelqu'un ! Tous les lits sont occupés ! Que faire ? Un esclandre et réveiller tout le monde. Plus personne debout à alerter : je décide de dormir sur un petit canapé en bas ; bientôt j'ai froid, aucune couverture nulle part. Vers 2h du matin, je décide d'aller dormir par terre dans la chambre105 au premier étage, je n'y trouve qu'un oreiller de disponible mais il y fait plus chaud. Ai-je dormi deux heures en tout ? Pas sûr ! À 5h je me « lève », finis mes préparatifs, prend une douche, me rase et vais au petit déjeuner où je retrouve les nordistes, belges et français d'Orchies et de Tournai.
Curieusement, je ne me sens pas aussi fatigué qu'on pourrait le penser mais c'est quand même une histoire incroyable : le genre de cauchemar du cyclo avant Paris-Brest. J'ai revêtu le maillot du PBP2003. Je n'ai pris qu'un petit sac de guidon afin de me sentir le plus léger possible, mais avec un goretex sérieux.
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« LEL phase 1 : en petits groupes »
J'ai maintenu mon départ de 8h15
Alain et Noël n'y sont pas mais ça me laisse ainsi le temps d'adaptation que j'imagine nécessaire après mes efforts en Espagne : je n'ai encore aucune expérience de ce type de doublé.
Je ne réalise qu‘en dernière minute que le départ est donné plus loin, derrière la barrière du passage à niveau à 400m de l'auberge de jeunesse. J'entends le haut-parleur du speaker (Rocco sans doute) et accélère pour m'y rendre. La barrière est fermée et les cyclos partent (autre idée de cauchemar), il ne me reste plus qu'à escalader à pied la passerelle.
Ça commence bien ! Heureusement, le rythme est modéré au départ de LEL, rien à voir avec PBP. Je passe Daniel Cauchie, hésite à rester avec lui, et suit finalement le rythme d'un groupe dont Christian Théron, 2 allemands qui paraissent véloces, 2 italiens et bien d'autres. Je repère aussi un gars du CC Willesden qui paraît très régulier et tout ce qui me paraît être de bonnes roues.
Le temps est doux et couvert avec quelques gouttes et une route un peu mouillée. Je crève de l'avant et me retrouve seul avec un gars que je suit jusqu'au premier contrôle de Gamlingay (km65)
Angoisse ! j'ai fait l'impasse de changer mes pneus, seraient-ils usés après MGM ? il s'avèrera ensuite que j'ai crevé par pincement suite à un choc. Alain me dirait que j'aurais du prendre des chambres latex (sauf que la dernière fois que j'en ai utilisées, j'ai été « emm… » comme pas avec des éclatements près de la valve.
De Gamlingay à Thurlby, je suis de loin des vélos horizontaux dont je me rapproche dans les côtes et m'éloigne dans les descentes.
En montée j'ai l'impression de n'avoir que la moitié d'un poumon, aucune aisance.
Puis me rejoint un premier groupe avec un gars au large chapeau australien avec lequel je suis photographié par l'organisation, je suit ce groupe, puis un deuxième très rapide nous rejoint mené surtout par Nick Jackson de Cambridge (maillot bleu avec 2 bandes rouge) ; on revient ainsi sur un groupe avec Richard Avallone (l'américain qui vit en Belgique et avec lequel j'ai bien roulé dans un PBP), de grands gabarits l'accompagnent, ce groupe à l'air soudé et sympa : on y trouve John Juckes l'anglais qui a vécu en France et parle français sans accent, Torsten Reda et ses saccoches noires très hautes, je pourrais passer dessous, jeune papa, il me dit être habitué au sommeil fractionné ! Également Keith Nichol du British Columbia randonneurs avec son vélo noir à suspension. On roule deux par deux.
A Thurlby (km152), ravitaillement sérieux comme dans tous les contrôles avec des pâtes.
La moyenne est de 25 arrêts compris. Honnête !
A Lincoln (km223) ce groupe « Avalonne » reste soudé.
Après Lincoln, je suis en mesure de mener d'avantage. Je n'ai pas tous mes moyens dans les bosses mais c'est déjà mieux qu'au départ.
Au Rugby Club de Thorne (km298) je salue Bernard Mawson qui me demande où est mon « équipe » (je lui avais promis de revenir en 2001 avec d'autres français – nous sommes quand même 7 français, contre 2 en 2001, le 2 ème était d'ailleurs parti de Thorne et je ne l'avais jamais vu). Bernard conseille de se couvrir alors je mets non seulement les manchettes mais aussi les jambières courtes. En fait j'aurais aussi du mettre aussi le goretex, et sur cette étape vers Hovingham, quand la nuit va arriver je vais avoir très froid et ça va me gâcher la fin d'étape, condamné à suivre sans participer au groupe et en plus je n'ai pas mes gants ni la frontale qui m'attendent au « bag drop ».
On passe les premières côtes très dures qui me réchauffent au moins un peu.
A Hovingham (km381), il est prévu qu'on s'arrête dormir 3h. Les deux douches étant très insuffisantes, on se lave tant bien que mal aux lavabos et on s'allonge épaule contre épaule sur de très minces matelas avec une très courte et fine couverture : encore est-ce là avantages des tout premiers arrivants car les suivants devront s'allonger dans la salle commune, éclairée et évidemment plus bruyante.
On repart après un bon petit déjeuner à 4h sonnantes, j'ai mis la frontale mais en fait le jour n'est pas loin.
D'entrée de jeu , dans la première longue bosse, les 2 allemands Walter Jungwirth et son collègue plus jeune Alex Wellpott partent côte à côte comme s'ils voulaient s'échapper, j'arrive à suivre mais le groupe a explosé, dommage. Christian Théron est là, Richard Avalonne aussi mais ça va trop vite, je le sens, alors je décide au bout d'un moment de décrocher.
Je rejoins peu après Michaël Gavrilov que je passe et à Eppleby (km461).
Je retrouve au contrôle Alain et Noël qui eux n'ont pas prévu de dormir avant Dalkeith (Edimbourg). Habitué aux arrêts courts je n'ai aucun mal à repartir avec eux. Ça me donne l'occasion de quelques photos en roulant. Le rythme modéré me convient parfaitement et j'ai bon moral car on va arriver dans la partie la plus intéressante avec la montée du Yad Moss vers Langdon Beck. Noël m'interroge sur le type de cette montée. Me croit-il quand je lui dis que ce n'est pas bien méchant ?
Je retrouve avec émotion l'AJ de Langdon Beck qui m'a toujours fait penser à un refuge voire à un phare dans un environnement très sauvage : chemin de gravier en pente forte, parc à vélo fabriqué avec beaucoup d'attention avec des lattes de bois à bonne hauteur, petite allée et un intérieur toujours aussi chaleureux. Vous avez compris que j'aime Langdon Beck.
La randonneuse anglaise qui y officie comme en 2001 me confirme qu'elle a cette fois réussi le PBP 2003 (4 nuits sur le vélo…) mais que ne pouvant espérer réussir LEL, elle y est « volonteer », un de ses collègues arbore un T-shirt avec un magnifique dessin d'un vélo René Herse, on pourrait discuter des heures ici.
On repart en grimpant encore un peu puis on descend sur Alston. Un groupe se prend en photo devant ce paysage magnifique. On retrouve ensuite une route large, assez plate mais dont le revêtement granuleux réduit terriblement le rendement (Alain assure que ses chambres latex réduisent beaucoup ce problème, mais peut-être aussi qu'après tous ces kms depuis l'Espagne, je suis plus sensible). Il fait presque chaud maintenant car comme prévu, il fait beau au nord.
A Canonbie (km588) je prend une douche bienfaisante et me ravitaille bien car la suite je connais, est elle aussi copieuse ! Alain qui voit que Noël va rester un moment à ce contrôle me conseille de filer. J'ai compris, là se termine ma première partie « en groupe » de ce LEL.
« LEL phase 2 : riding on my own » de Canonbie (km600) à Lincoln (km1200).
Je repars doucement de Canonbie avec Christian Théron à qui je dis que je vais rouler à ma main , devant ou derrière lui je n'en sais rien, ce sera finalement devant car à mesure que la route s'élève je me sens bien. Je suis heureux de retrouver la montagne et le mental agit sur le physique.
Une longue série de côtes difficiles conduit vers Eskdalemuir via le très inattendu temple tibétain qui me semble s'être enrichi de nouvelles pagodes, dommage qu'il ne soit pas libre cette fois, ce sera pour 2009.
A Ettrick, une petite route tranquille mène au contrôle installé dans une « cabane » suffisamment confortable. Un helper un peu sec, me demande de garer mon vélo de l'autre côté de la route. Ca refroidit un peu mon humeur mais eux aussi sont fatigués et tous ne sont pas forcément des randonneurs et des mordus. Je ne m'arrête que très peu de temps et c'est reparti pour d'autres longues montées vers Innerleithen. J'aime l'exotisme de la sonorité de ces noms : parler d'Eskdalemuir et d'Innerleithen, c'est un peu comme quand Pierre Roques parle « du côté d'Escanecrabe et de Rebirechioulet ».
Les golfeurs s'activent sur le beau gazon du parcours à la sortie de la petite ville.
Après le dernier sommet et une première phase de descente on arrive à une déviation pour travaux, qui nous prive un peu d'une vue (lointaine) sur la mer. Puis arrive la longue descente sur Dalkeith (banlieue sud-est d'Edimbourg), à quelques Kms du contrôle, je croise ce qui reste du groupe « Avalonne » : 5 ou 6 gars.
Il est environ 20h.
Les contrôleurs de Dalkeith ne sont pas pressés et paraissent vouloir engager la conversation mais qu'ils me pardonnent, je n'ai pas envie de faire tomber la pression et souhaite faire un simple “touch and go” à Dalkeith ; aussi je mange silencieusement et rapidement avec dans la tête l'idée de revenir sur le groupe de Richard (Avallone). Je souhaite aussi être déjà bien entré dans le retour quand cette 2ème nuit va tomber car c'est un moment « clé » psychologiquement et la première longue bosse passée encore de jour me donnera confiance.
Je croise des cyclos, souvent par groupes de 2, parfois seuls, très espacés, des gars qui vont dormir à Dalkeith, et de fait après 23h je n'en croise plus.
Plus de golfeurs à l'entrée d'Innerleithen bien sûr mais dans la petite ville encore quelques touristes dehors en promenade nocturne.
La nuit n'est pas froide, le vent est bon et je me sens bien, pas sommeil « so far », mais attention, ne pas rouler trop vite quand on se sent bien, gare aux stupides moutons qu'on voit mal et qui traversent quand on ne s'y attend pas, gare aux trous, pierres (rares mais il n'en faut qu'un) et aux « cattle grid », ces passages de rouleaux sur la route pour les troupeaux de moutons et qui secouent un peu, bref rester concentré juste ce qu'il faut pour être détendu quand même, être en symbiose avec l'environnement et bien dans sa tête pour que le corps veuille bien suivre sans violence à lui infliger.
Je retrouve la petite route qui mène à la « cabane » du contrôle d'Ettrick Poser le vélo à droite contre la haie, éteindre la frontale et l'enlever de ma tête, éteindre le feu arrière, prendre la carte de route dans mon sac avant, et les emballages de barres à jeter, voir s'il faut remplir un bidon, et entrer au contrôle. Là une scène cocasse me saisit : des cyclos sont là mais endormis dans des positions invraisemblables, tels des statues vivantes (Mike Pain en particulier est assis sur une chaise, la tête haute, et dors très profondément). Je passe en revue les « statues », Richard Avalonne est là aussi allongé. Je souris en pensant aux espagnols que j'ai rejoins endormis à Ayllon. J'échange quelques mots à voix basse avec les « helpers », mange un peu et repars rapidement (ne pas faire tomber la pression).
41.3 : 41,3km sans changer de route, très rare sur LEL … via Eskdalemuir. Le vent aide bien à passer ces longues bosses, longues ne voulant pas toujours dire régulier et pourcentages faibles. Ensuite avant Canonbie, ça redevient compliqué avec une petite route avec des bosses très dures, que j'avais identifiée à l'aller avec Christian Théron, comme étant sûrement délicate de nuit.
Canonbie (km 826), je demande au contrôleur qui en est déjà reparti des London starters – il sourit et très gentiment m'écrit sur un petit bout de papier : Howard Waller 19 :55 Sun. , Nick Jackson 01 :54 Mon, Richard Leon 02 :32 Mon … . Howard est d'Oxford, Nick de Cambridge, mais ils ne sont pas au coude à coude ! Ces infos me donnent bon moral, et le temps d'Howard m'évitera tout triomphalisme et tentation de retour sur lui !
En repartant, je ne comprends pas ma feuille de route, je réalise alors que ne figure que l'option qui évite l'A7, et un « helper » m'écrit l'autre option que je vais prendre jusqu'à Brampton. Puis 28.6km sur l'A689 pour rejoindre Alston et son contrôle que je n'ai pas choisi à l'aller ayant préféré Langdon Beck
Il fait jour maintenant ; petit chemin pentu menant au contrôle qui est dans un coin vraiment charmant comme très souvent sur LEL, où les contrôles sont des havres de paix et de silence après les difficultés de l'étape. J'adore ces contrastes.
Je mange copieusement à Alston, d'autant que la remontée du Yad Moss s'annonce humide, et repars en évitant les pavés dans la montée en empruntant comme en 2001 le trottoir sur la droite de la route. C 'est ainsi qu‘on devient un habitué de LEL. Je monte très vite le Yad Moss qui est dans la crasse, mais ces 2 ou 3 heures de crachin seront mon seul passage de pluie sur LEL.
Ayant contrôlé à Alston, je m'arrête quand même au contrôle de Langdon Beck pour le plaisir du lieu etquelques photos.
Après la descente, on quitte les paysages sauvages pour retrouver la campagne verdoyante. Barnard Castle où je prends un mauvais chemin, avec une côte de 2 ou 3km débouchant sur une nationale avec un trafic infernal, quasi infranchissable. Je me dis que je ne suis jamais passé là et redescends sur Barnard Castle où je demande mon chemin pour Whorlton (c'est un des rares moments où j'ai eu problème avec ma feuille de route avec un autre quelques Kms après où il faut prendre à droite pour Hutton Magna mais où il y avait 2 routes à droite pour ce même Hutton Magna et bien sûr il fallait prendre la 2 ème . Par chance je trouve une personne qui me renseigne, mais ça aurait été de nuit … : ( c'est là qu'un compteur est quasi indispensable sur LEL, ou bien un GPS…).
Je dois être un peu « déboussolé » car j'ai aussi du mal à trouver le contrôle d'Eppleby, là ce sont des cavalières amusées qui me renseignent.
Prochaine étape Hovingham, point stratégique avec le « drop bag » dont je me sers finalement très peu (un cuissard, une frontale), mais qui constitue une sorte de jalon important du raid et contribue à soutenir le mental. Pour y parvenir, il y a des terribles côtes, de vrais murs (16% ?) ou qui apparaissent tels au retour. Je ne joue jamais autant du dérailleur que sur LEL et dans ces montagnes russes, on passe par toute la gamme des braquets (39x26 ou 23 en 650 en ce qui me concerne). Il fait toujours bon rouler, plus de pluie mais temps couvert et pas froid.
Repas assez rapide encore à Hovingham (km1034), toilette et changement de cuissard et c'est reparti. Je garde mes affaires de nuit dans mon petit sac avant mais c'est limite (sous pull polaire, imper gore-tex, frontale, baudrier – « legs and arms warmers » sont fixés derrière la selle avec le sac réparation, les gants longs sont dans la poche de maillot avec l'appareil photo).
Je prends sur le vélo une photo d'un cyclo au loin que je rattrape lentement en montant Castle Howard.
Je trouve ainsi quelques rares cyclos du départ de Thorne mais ce sont les derniers, le gros de leur troupe est loin devant. Pour briser la monotonie de mon parcours solitaire, je roule ainsi un moment avec un jeune, néophyte de la longue distance sur un genre de VTC et bien chargé, il préfère rouler lui aussi à son rythme et c'est d'ailleurs une des raisons qui me fait le quitter après 30 minutes peut-être car je risque insensiblement d'accélérer son allure. Je retrouve Bernard Mawson et ses helpers à Thorne (km 1118) et c'est reparti sur une petite route de levée, avec là encore une hésitation (aller tout droit sans chercher à rester sur Moor Edges Road …), puis assez vite une route plus large.
Est-ce le terrain plat, la monotonie, je commence à me sentir las, mais peut-être est-ce déjà miracle que ce ne soit que maintenant … . J'ai bien mangé, trop peut-être, j'ai sommeil et sens que mon allure baisse.
Je me souviens avoir roulé avec 2 gars au gabarit très impressionnant, l'un est du Kentucky, ils me prennent en photo et plus loin je me souviens qu'ils ont accéléré très fort comme pour me larguer et que je me suis accroché pour suivre jusqu'à ce qu'on rejoigne un autre gars avec lequel j'ai roulé un peu : bref je commence à être dans le « cirage».
Je m'apprête à m'allonger sur un coin de gazon accueillant quand un cycliste passe, je me dis que c'est l'occasion de me revigorer et je le suit, tant pis pour la pause, mais j'ai du mal à suivre ce cyclo qui arbore un beau maillot du Pays de galles, des sacoches bien larges et porte des sandales à cales, je m'accroche mais bientôt tombant de sommeil, je m'arrête sur un autre coin de gazon, m'allonge et ferme les yeux. 5' seulement juste pour pouvoir repartir mais c'est trop peu dans l'état où je suis et avec la nuit qui tombe, ma progression vers Lincoln est de plus en plus pénible : c'est là que mon moral sera le plus bas sur LEL, avec un Lincoln qui semble se dérober et dont j'ai l'impression de faire le tour comme un avion qui n'atterrirait jamais.
Je crois avoir atteint là après toutes ces nuits sans sommeil, une vraie limite mais est-ce si sûr ?
Dans Lincoln enfin, des cyclos me passent, l'un a un coup de pédale magnifique, très souple, un très beau vélo classique qui semble rouler tout seul, une selle qui semble confortable … , tout ce que je n'ai pas en ce moment, et je m'accroche pour le suivre jusqu'au contrôle et la petite piste cyclable qui le précède.
Au contrôle j'hésite sur la marche à suivre : continuer en visant un temps autour de 70h qui me paraissait accessible cet après-midi mais ne l'est sûrement plus dans mon état, dormir mais combien de temps ? Aucun cyclo ne repart avant 4h semble-t-il et il est 22h20. Marqué par mon arrivée pénible à Lincoln et craignant de me perdre en repartant je décide de dormir. Je suis conduit dans la chambre de ceux qui vont se lever à 3h, le lit est « much more confortable » que les très minces « matelas » d'Hovingham, sans parler des couvertures et j'y dors environ 4h. Réveil à 3h donc et petit déjeuner avec 4 gars dont 2 partent en premier et que je m'apprête à accompagner avec leur accord, je perds un peu de temps à trouver le côté de la grande maison de ville où est garé le vélo et attend dehors jusqu'au moment où je comprends qu'ils sont partis ( !!). Les 2 autres tardent à arriver, je les vois prolonger le petit déjeuner alors je me décide à partir.
Rester aussi longtemps pour ne pas repartir seul et y être contraint, quelle dérision, d'autant que je n'ai aucun problème à trouver la sortie de la ville.
Le gros problème est que je ne peux plus m'asseoir sur la selle, ça me fait mal à en pleurer et après quelques kms terribles, j'ai l'idée de changer ma position de selle en la reculant et en la penchant en arrière – c'est maintenant acceptable ouf ! Mais c'est le sommeil qui me tenaille alors que j'ai « beaucoup » dormi.
C'est alors que les 2 autres cyclos du petit déjeuner me rejoignent.
“LEL phase 3 : lesson of cycling, enjoying the last controls with Phil and Peter”
Ce sont Phil Chadwick (fixed gear !) et son copain de Bristol Peter Martin, ils roulent dur et je vais souffrir mille morts à les suivre comme si mon corps refusait de repartir. Est-ce une interruption de sommeil au mauvais moment du cycle qui a causé cela ? Est-ce la rupture de rythme d'arrêts courts ? La perte de l'objectif des 70h ? Comment savoir ?
J'ai beaucoup pratiqué le pignon fixe mais voir Phil avec son 44x17 dans les pentes très dures à la montée et à la descente me fascine littéralement. Ce gars là à des jambes de pro : en acier en montant, en caoutchouc en descendant, des panaracer de 35 absorbent mollement la route lui permettant de ne pas souffrir de rester plus sur la selle, des freins performants avec attaches sur fourche carbone lui permettent de négocier très habilement les pires descentes.
Je retrouve le coup de pédale avant Thurlby (km 1265) – au contrôle super accueil, super food avec salade de fruits frais qui est une merveille et pleins d'autres choses que je n'aurais pas le temps de goûter, des dessins d'enfants au mur illustrent LEL de façon magnifique avec des montagnes couvertes de neige ( !). C'est ainsi que se créée la légende du cycle.
Phil et Peter s'attardent aux contrôles, pour eux, si ce n'est pas pour faire 60h, pourquoi se presser … ? J'hésite un peu mais décide de rester avec eux. On repart, et je laisse Peter mener, lui aussi est solide et habitué d'autres types de machines (recumbant). Je suis devant Phil que je m'efforce d'abriter un peu, contribuant modestement à l'avancée du groupe. Trop fatigué pour mener ou pour discuter, je réfléchis à cet « other way of cycling » de Phil et Peter que je trouve très « sport », original et élégant, à l'image du LEL, anglais quoi ! … .
Au dernier contrôle de Gamlingay, je dis à Peter qu'un arrêt pas trop long m'irait mieux car j'ai beaucoup de mal à repartir, il est d'accord mais au final , on s'y arrêtera encore près d'une heure.
Le final reste tout aussi difficile, dans les sévères grimpées, je n'arrive à suivre qu'en moulinant de petit braquets ; mes jambes me font trop mal en danseuse et je n'ai plus aucune efficacité en passant en force. Je crois avoir bien fait de rester avec Phil et Peter car trouver son chemin sur la fin est assez délicat même pour eux.
Arrivée à Cheshunt, rue vers le passage à niveau qui est comme souvent fermé. Un train passe, le passage reste fermé, un deuxième, puis un troisième … 5 minutes peut-être qu'on attend ainsi à 400m de l'arrivée ! On s'apprête à monter la passerelle que j'ai déjà montée à pied avant le départ quand enfin la barrière se lève.
Nous sommes arrivés, il est 15h20 environ.
L'avion d'Oxford (Howard Waller) est arrivé en 62h (il aurait dormi 3 ou 4h à Dalkeith, pas d'assistance, large sac de selle …), un hollandais sur vélo horizontal est arrivé ensuite très longtemps après, je devais être proche de lui à Lincoln, mais ici sur LEL, les temps ne sont pas le sujet de conversation. Je retrouve Jan Christensen qui n'a pas terminé et Danny Fisher qui officient comme helpers : « well done Richard ! ».
Rocco m'a réservé un grand lit dans la chambre 501 qui jouxte les installations de départ : le confort maximum ! au fait : 501 au retour, 105 à l'aller (n° de chambre indiquée avant le départ et qui n'avait pas de lit libre) et si … ? Et je pars d'un grand éclat de rire à l'idée de cette farce des génies de la route qui m'ont si bien protégé.
Meylan, 31 juillet 2005
Richard LEON
Beaucoup de photos sur MGM et LEL sur certains sites :
http://www.audax.uk.net/index2.htm
http://www.mgm1200.com/fotos_mgm1200/
Ndwm : Et en plus il prend le temps de faire des photos !!!!!